Encore au stade expérimental en France, la justice prédictive permettrait de prévoir l’issue d’une procédure judiciaire grâce à un logiciel se basant sur les données de la jurisprudence mises à dispositions.
Justice prédictive : des algorithmes pour décider de l’issue d’une procédure | Source image : Pixabay
Le projet de réforme de la justice de la Garde des Sceaux Nicole Belloubet fait peu parler de lui dans les médias, et pourtant ses enjeux sont capitaux. Des acquis judiciaires pourraient sérieusement être remis en cause. Parmi ceux-ci, une mesure inquiète particulièrement juges, magistrats et avocats qui se sont mobilisés en défilant contre la réforme durant une journée intitulée « Justice morte ». Il s’agit de la justice prédictive.
Les données ouvertes pour appuyer la justice prédictive | Source image : Pixabay
Des données ouvertes à tous
Avec la promulgation de la loi pour une République Numérique d’octobre 2016, l’accès aux données de la jurisprudence sera disponible pour tous, avec des délais plus ou moins longs selon le domaine. On parle alors d’open data (données ouvertes).
Cette politique de transparence et de libre circulation des données assure aux citoyens de consulter les documents des administrations. Cette nouvelle enthousiasmante provoque tout de même l’inquiétude des magistrats.
L’open data a permis à de nombreuses legaltechs, ou start-ups juridiques, de se servir de ces données afin de créer des logiciels calculant les issues possibles.à un litige. C’est notamment le cas de Predictice, dont le logiciel a été mis à l’essai au sein des cours d’appel de Douai et Rennes.
Une méthode « scientifique » pourtant limitée
A première vue, l’idée de se baser sur des données existantes pour déterminer la décision à prendre peut paraître bonne. Selon le co-créateur de Predictice, Louis Larrêt-Chahine, cela permettrait de rendre la justice moins aléatoire et plus « scientifique ».
Mais le concept de justice ne peut être réduit à des statistiques, normalisé de la sorte. Une décision juridique est le fruit de réflexions complexes et subtiles. Utiliser des algorithmes créerait non seulement un « effet moutonnier » poussant les juges à prendre des décisions similaires à leurs confrères et sœurs. Et surtout, la justice serait désormais figée, ne prenant plus en compte l’évolution des mœurs et la disparité des situations.
Malgré leur apparente logique, les décisions statistiques en résultant ne sauraient être dépourvues de biais, car basées sur des archives de jugements établies par des personnes.
“Les outils d’aide à la décision judiciaire doivent être conçus et perçus comme une aide auxiliaire au processus de décision du juge, permettant de faciliter son travail, et non comme une contrainte.”
– Commission européenne pour l’efficacité de la justice
Pour l’heure, le logiciel mis à l’essai auprès des cours d’appel déçoit. Il est possible de s’en servir pour appuyer une décision, comme d’autres outils déjà existants, mais il est encore bien loin de remplacer avocats et magistrats.